lundi 18 octobre 2010

Biutiful


Biutiful
Alejandro Gonzalès Inárritu
Espagne, mexique, 2009, 2h27, avec Javier Bardem, Ruben Ochandiano, Blanca Portillo, Eduard Fernandez, Maricel Alvarez...
Prix d’interprétation masculine Cannes 2010


L’histoire, celle d’un homme au bord de la falaise n’ayant plus que quelques mois à vivre. Il est père, mari, a un frère, magouille, profite de la corruption, de l’exploitation, traficote, se fait du pognon sur le dos de clandestins, parfois avec leur accord. Son secret de mort prochaine le taraude, l’entraîne dans un périple sans retour. Le mal être est palpable, suinte. Soucieux de ne pas perdre ce qui lui est le plus cher, ses enfants, il s’accroche, donne de l’amour tant bien que mal, souvent avec maladresse. Le silence l’habite. Complètement démuni face au tic-tac d’une horloge le conduisant inexorablement vers sa fin annoncée, il essaie de réagir. Sa femme, mal dans sa peau, ne le comprend plus, baigne dans ses excès, ses outrances. L’alcool, la déprime, le rejet de son mari, la minent. Que dire des enfants, ballotés, pris entre deux feux, deux folies et pourtant loin d’être innocents. Que dire des autres, une africaine, des asiatiques, un frangin se shootant à l’illégalité... Compulsions, urgence, violence, détresse, tristesse, gravitent autour de la complexité de chacun. Car pas un des caractères n’est épargné. La route tracée par Inarritu est pavée de dos d’âne, d’ornières tiraillant les sens, les caractères se croisent, s’entrelacent, s’entrechoquent. Haine, pardon sont au cœur de leurs préoccupations. Tout se laisse gagner par les moisissures de la déprime, les rognures de la pourriture des sentiments. Tout sauf les enfants, seul rayon d’espoir dans ce monde lugubre. Alejandro est atrocement doué, ses acteurs tout autant. L’impact d’un Bardem souvent silencieux, magistral, a tout d’une déflagration sans appel. La caméra n’est pas en reste, elle scrute, pénètre, colle au plus près des blessures, ne cesse de surprendre, de renvoyer le reflet d’une société salement gangrénée. Elle part de l’obscurité pour aller vers une étrange lumière, celle qui attend un héros ayant remis un peu d’ordre, de paix dans une vie mochement barbouillée. Chaque plan est une trouvaille, certaines scènes, comme celle de la course poursuite entre flics et vendeurs africains éclate, telle une bombe visuelle. Souffrances et misères parsèment le chemin de croix. Etonnement et intensité éclairent celui du spectateur. La subtilité, la tendresse, les prouesses, la vérité des comédiens, équilibrent, illuminent, cette déconstruction humaine, à moins que ce ne soit une construction. Le choc, l’uppercut n’est pas loin.

Au Diagonal à partir du 20 octobre. Semaine du 20 au 26 octobre : tous les jours à 13h45, 16h15, 21h.

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